• Toutes les amours ne sont pas mortes.
    Elles vivent encore derrière des portes
    Qu'on ouvre avec délicatesse
    Dans certains moments de détresse.

    On se rassure en se frottant
    A de doux souvenirs d'antan,
    A des instants d'éternité
    Que rien ne fera oublier.

    Qu'il était bon ce temps jadis
    Loin des souffrances qui appauvrissent
    Des sentiments déjà meurtris
    Par le grand manège de la vie.

    Ces histoires là étaient plus belles,
    Passion en gerbes d'étincelles,
    Fusion des âmes et des corps,
    Ballet de caresses en décor.

    Un langage qui n'a plus court,
    De mots qui ne rendaient pas sourd,
    Car sans cesse ré-inventés,
    Faisant leurs quatre voluptés.

    Et ceux que l'on ne disait pas,
    Car vains, l'autre sachant déjà,
    Devançant ainsi la pensée,
    Que le monde semblait s'arrêter.

    Ces histoires là, on se le nie
    Pourtant sont bel et bien ternies.
    En leur temps tout comme aujourd'hui
    Elles firent souffrir à l'infini.

    Toutes les amours ne sont pas mortes,
    Elles vivent encore derrière des portes.
    On oublie tout de leurs souffrances.
    Elles font du bien à nos errances.



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  • Je vous fantasme en cuir, maquillée, un peu pute,
    Aux poses provoquantes, à la crinière hirsute,
    Votre corps dessiné, sculpté en attitudes
    A faire renoncer aux vœux de solitude,
    Arpentant le trottoir de sensualité
    Et s'offrant aux regards pleins de lubricité.

    Je vous rêve courtisane, élégamment fardée,
    La mouche opportune, au creux du décolleté,
    La posture minaudière et le regard baissé,
    On vous croirait candide si l'on ne connaissait
    Vos caresses torrides, votre lubricité
    Que de fragiles remparts peinent à dissimuler.

    Je vous songe élégante, en tailleur couturier,
    En escarpins vernis que l'on entend claquer,
    Rythmant en indolence votre déhanché
    Et votre corps qui danse comme un rêve éveillé,
    Silhouette qui passe en laissant une fragrance
    Un parfum sulfureux, entêtant d'attirance.

    Je vous imagine nature, sans artifice,
    Une jupe légère, transparente sur vos cuisses,
    Des fleurs dans les cheveux mais le regard malice
    L'étincelle du vice dans les prunelles complices
    De celles qui pour la forme, geignent et s'épouvantaillent
    En espérant très fort culbuter dans la paille.

    Je vous aimerais toutes, ensemble réunies
    Dans une seule femme qui, lorsque vient la nuit
    Se transforme, se change, se métamorphose,
    Se travestit, se grime, s'offre et se propose

    Mille et une existences pour mille et une nuit
    De mort en renaissance, de raison en folie,
    Je vous croiserais peut être, au détour de la vie
    Saurais-je vous reconnaître ? Saurez-vous qui je suis ?




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  • J'ai cent ans et j' suis bien content
    J' suis assis sur un banc
    Et je regarde les contemporains
    C'est dire si j' contemple rien
    J' file des coups d' canne aux passants
    Des coups d' pompe aux clébards
    Qui m'énervent et j' me marre
    On peut rien m' dire, j' suis trop vieux
    Trop fragile, trop précieux
    J'ai cent ans qui dit mieux

    J'ai plus d'amour, plus d' plaisir
    Plus de haine, plus d' désirs
    Plus rien
    Mais j' suis comme le platane
    Un peu d' pluie, j' suis en vie, ça m'suffit
    J' suis bien

    J'ai des marmots qui m' courent partout autour
    Des gonzesses moins, mais ça mange pas d' pain
    J' parle aux oiseaux, comme disait l'autre idiot
    Et j' me d'mande où j'ai mis mon chapeau

    J'ai cent ans et j' suis bien content
    J'ai encore mal aux dents
    Mais la souffrance c'est très rassurant
    Ça n'arrive qu'aux vivants
    J'attends tranquille sur mon banc
    Que ce vieux monde explose
    Tant il se décompose
    Moi ça fait quatre vingt quinze ans
    Que j' crois plus à grand chose
    Il est temps que j' me repose

    J'ai plus d'amour, plus d' plaisir
    Plus de haine, plus d' désirs
    Plus rien
    Mais j' suis comme le platane
    Comme ma canne, j' suis solide et ancien
    J' suis bien

    J' souhaite pas aux p'tits jeunes une bonne guerre
    Vu qu' moi j'en ai pas eu, à part Mai 68
    Mais j' me rappelle même plus en quelle année c'était
    Ni qui c'est qu'avait gagné


    J'ai pas cent ans, je faisais semblant
    C'étaient qu' des mots, du vent
    Mais j'aimerais bien les avoir demain
    Même aujourd'hui j' veux bien
    Pour jouir enfin du bonheur
    D'avoir pu traverser
    Sans me faire écraser
    Cette pute de vie, ses malheurs
    Ses horreurs, ses dangers
    Et ses passages cloutés


    Renaud

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  • Clandestin je dérive au fil de nos quarts d'heures
    Je rêve de ta peau lisse, je me sens maraudeur
    Anonymes étreintes et orgasmes furtifs
    Tes cris comme une plainte, murmures démonstratifs.

    Rendez-vous top secrets, fouille à corps de rigueur,
    Corps à corps explicites mais pas de cœur à cœur,
    Caresses dévoilées de ces moments volés
    Sexe brut, intensif, sentiments maquillés.

    Couvertures envolées, chambre dissimulée,
    Retrouvailles intenses en portes dérobées,
    J'aime tes arabesques, danseuse énigmatique,
    Nos joutes amoureuses, tes courbes ésotériques.

    Te savoir sans pudeur, gestes sans équivoque
    Libérée de candeur, courtisane baroque,
    Assoiffée de désir, affamée de plaisir,
    Drapée en indécence, attente à en gémir.

    Sous le choc de nos mains, chacun donnant pour l'autre,
    Ces frissons érotiques peu à peu se font nôtres,
    La charnelle attitude sans pudeur déguisée
    Nous emporte aux limites de la félicité.

    Luxure qui se tait, sublime dépravation,
    Dont nous sommes repus avec délectation
    Avant de se quitter, partir incognito,
    Vers nos vies respectives, horizons idéaux.

    J'aime tes cinq à sept qui me font chavirer
    J'aime ton impudeur, ta sensualité
    J'apprécie le cadeau de ton corps alangui
    Qui n'attend rien de moi qu'un moment de folie...




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  • J'aimais les fées et les princesses
    Qu'on me disait n'exister pas
    J'aimais le feu et la tendresse
    Tu vois, je vous rêvais déjà

    J'aimais les tours hautes et larges
    Pour voir au large venir l'amour
    J'aimais les tours de cœur de garde
    Tu vois, je vous guettais déjà

    J'aimais le col ondoyant des vagues
    Les saules nobles languissant vers moi
    J'aimais la ligne tournante des algues
    Tu vois, je vous savais déjà

    J'aimais courir jusqu'à tomber
    J'aimais la nuit jusqu'au matin
    Je n'aimais rien non, j'ai adoré
    Tu vois, je vous aimais déjà

    J'aimais l'été pour ses orages
    Et pour la foudre sur le toit
    J'aimais l'éclair sur ton visage
    Tu vois, je vous brûlais déjà

    J'aimais la pluie noyant l'espace
    Au long des brumes du pays plat
    J'aimais la brume que le vent chasse
    Tu vois, je vous pleurais déjà

    J'aimais la vigne et le houblon
    Les villes du Nord, les laides de nuit
    Les fleuves profonds m'appelant au lit
    Tu vois, je vous oubliais déjà


    Jacques Brel


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